Sagesse et morale
L'homme sage vit sans morale, selon sa sagesse. Nous devons essayer d'arriver à l'immoralité supérieure. - André Gide
La sagesse et la morale sont deux notions qui, en apparence, se rejoignent. Pourtant, selon moi, si la morale peut être empreinte de sagesse, ce n'est pas toujours le cas.
En effet, je crois que la morale et la sagesse nous apparaissent similaire de part notre incapacité de plus en plus visible à s'extraire de notre présent pour pouvoir se projeter dans l'avenir et, ainsi, faire notre propre expérience de nos choix.
De la morale naîtra un monde de peur et de préjugés, de la sagesse naîtra un monde de compréhension et de compassion
Définitions subjectives
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Posez un pansement sans refermer la plaie et vous serez condamnés à éponger toute votre vie...
Afin de commencer cet article, il me semble important que je définisse ces mots avec ma propre interprétation. Car si les mots sont importants, leurs sens le sont encore plus car de l'interprétation de ces mots découlera un raisonnement différent.

Selon moi, la morale n'est que l'enfant appartenant à la société dans laquelle nous vivons, la sagesse étant universelle aux générations qui passent. Nous faisons facilement l'amalgame car nous notre morale et notre sagesse s'assimilent dans une même époque où nous avons le plus grand mal à voir la globalité des choses.

Pour prendre l'exemple d'une plaie ouverte, je dirais que la morale nous pousse à agir sur l'instant présent en pansant la plaie (ce qui me parait tout à fait nécessaire bien évidemment). La sagesse consisterais, en revanche, à cicatriser la plaie de sorte que le pansement deviennent inutile avec le temps.

Dans ce contexte; il est effectivement nécessaire d'agir sur le présent c'est évident. Mais nous oublions trop vite d'avoir une vision sur le long terme.
Si, à mon sens, la morale s'inscrit dans notre société et sert d'illusion vertueuse qui nous permet de vivre au jour le jour ou de répondre à un besoin immédiat, la sagesse, quant à elle, s'inscrit dans l'Histoire et protège les intérêts de notre civilisation au delà de nos propres intérêts.
Exemple : Accidents de la route
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Évidemment, la réflexion n'est pas un frein à la compassion...
Attention, ce n'est qu'un exemple et j'exagère certains traits volontairement mais c'est surtout pour mettre en avant mes pensées. Je tiens aussi à bien faire remarquer que je ne privilégie aucune idée car, à mon sens et comme vous pourrez le lire dans ma conclusion, je crois qu'il faudrait trouver un équilibre entre ces 2 façons de penser mais est-ce le cas à l'heure actuelle?

Situation initiale :
Il y a des accidents sur la route. Ce sont des statistiques évidemment tragique car la souffrance engendrée par les accidents est tout sauf anecdotique.
Bien sûr, les accidents sont tous différents alors, si cela vous est possible, ne considérez pas mes paroles comme étants applicables à toutes les situations mais considérez les comme une expérience de pensée de mon imagination.

La moraleLa sagesse
Réaction immédiate Ma morale préconise une réaction immédiate à cette situation et je décide que, pour qu'il n'y ai plus d'accidents, nous devons mettre des radars, des limitations de vitesse, des contrôles routiers, des interdictions en tout genre... Le but étant de faire en sorte que la loi serve d'épouvantail à ceux qui voudraient les transgresser. Cela reviens à utiliser la peur sociale afin de diminuer le nombre de transgresseurs.
Si ces lois sont bien sûr pour le bien être de tous, elles sont imposés de manière universelles. L'avantage à court terme est que, au final, elle engendre une société qui marche et qui, grâce aux services d'ordre, encadrent les individus dans une sorte de cocon de sécurité psychologique, physique ou sociétale.
Ma sagesse, toujours dans cet esprit de long terme, me guide sur une approche relativement lointaine qui serait de faire en sorte que les conducteurs respectent les limites de la morale non pas par habitude ou par peur du contrôle mais parce qu'il les aura assimilé de lui même par le respect des autres. Pour arriver à ce résultat, il faudrait enlever toutes les interdictions (avec, par contre, un système judiciaire bien plus sévère) et laisser libre l'individu avoir conscience de ce qui l'entoure. Évidemment, cette solution n'est viable qu'à long terme car, de fait, elle "sacrifie" quelques générations qui devront, une fois libre et abandonnés à eux même, redécouvrir leur propre conscience et réfléchir par eux même.
Conséquence sur le long terme Générations après générations, nous respectons les lois (du moins pour la plupart) car elles sont inscrites en nous comme étant la normalité et nous nous y habituons en pensant que ces mesures servent une bonne cause. Lorsque nous conduisons, nous le faisons machinalement sans vraiment penser à la route elle même. Nous ne réfléchissons plus sur les conséquences humaines de notre conduite mais uniquement sur les conséquences financières ou administrative. Au final, nous attendons que les gouvernements nous maternent et nous disent quoi faire. Cela nous rend non seulement passif mais en plus incapable de voir par nous même le danger là ou il est. Notre passivité sur les éléments extérieurs nous permet de focaliser notre attention sur notre propre personne, nos propres désirs. Générations après générations, nous comprenons que, dans l’intérêt de notre société, nous devons nous responsabiliser. Nous roulons à une certaines vitesse non pas grâce à une loi mais tout simplement car nous avons assimilé le fait que nous mettre en danger et mettre en danger les autres est la même chose d'un point de vue sociétal. Nous réduisons notre vitesse dans les virages serrés non pas grâce aux panneaux de signalisation mais parce que nous avons observé la route pour ce qu'elle est. Le fait d'avoir le contrôle sur notre propre réflexion provoque un changement radical dans notre perception individuelle car nous nous focalisons sur notre environnement et cela laisse moins de place à notre individualisme latent.
En conclusion, je dirais que si la réaction de la morale est insatisfaisante dans une projection sur le long terme, la réaction de la sagesse l'est tout autant à court terme. En revanche je pense sincèrement que si nous voulons que notre société perdure (à défaut de notre civilisation), il faudra allier les deux dans un projet ou la transition sera possible. Dans cet exemple, je parle d'allier les deux car, d'un point de vue purement cynique et dans l'état actuel des choses, je crois que si nous mettions en place la réaction "sage", le futur n'existerait pas car nous nous serions auto détruit bien avant que les générations se succèdent.

Conclusion
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Les vases communicants illustre l'équilibre du monde...
D'un point de vue personnel, je dirais que la morale dépend de l'époque et des besoins de la société installée. Cette société humaine change et la morale change aussi qu'importe l'ordre. La société étant le fruit d'humains connaissant le désir et la possession, nous pouvons aisément penser que la morale sert à justifier une vision du monde qui permet non seulement d'éviter les questions plus profondes, mais en plus de normaliser des situations qui, avec un point de vue neutre ou extérieur serait considérées comme inadmissible. Je crois profondément que la morale n'existe que parce que nous en manquons et, par extension, une société morale et sage n'aurait pas besoin de lois. Les lois sont le symptôme d'une société en manque de valeurs/sagesse.

La sagesse devrait être le moteur de pensée de chacun d'entre nous car, in fine, je crois que nous avons largement besoin d'avoir une vision plus globale des choses. Elle nous permet de focaliser notre attention sur les conséquences de nos choix plutôt que sur un besoin immédiat de soulager notre conscience. Il me semble que la sagesse est une manière d'analyser les choses comme étant un tout où chaque élément de notre univers tiens son rôle car il ne privilégie pas l'espèce humaine et donc notre individu mais il privilégie l'équilibre dans le temps.

J'ai l'impression que la morale et la sagesse tel que je les conçois fonctionnent un peu à la manière de vases communicants. En effet, j'ai le sentiment que trop de morale nous pousse sur le court terme, in fine, occulte le long terme pour un bien être immédiat. A l'inverse, trop de sagesse nous fait oublier la réalité concrète et abouti à une vision utopique et irréalisable.