Critique et autocritique
Qui sommes-nous pour juger de la vie des gens ? Reste à savoir si l'on se juge aussi sévèrement. - Rudy Caya
Il me semble que le fond du problème de notre monde est notre absence d'introspection.
En effet, Si la critique est aisée, il me semble que l'autocritique est bien plus difficile... Si je crois que la société est malade, je pense que nous alimentons celle-ci par peur ou conformisme. Au final je me demande si la société n'est pas à l'image de ceux qui la compose et que, de ce fait, la cause n'est pas la société comme je le pensais mais bel et bien nous même.
Il est selon moi inconcevable de penser que nous pouvons créer du nouveau si nous restons les mêmes qui ont aidés à créer l'ancien.
Préambule
Il est assez fascinant de voir à quel point nous nous dissocions des autres. En effet, nous avons beau nous dire que nous sommes honnête et impartial, il est légitime de se demander si nous le sommes réellement. D'ailleurs, j'en profite pour dire que l'impartialité n'existe jamais à partir du moment où le jugement humain est parti prenante.
Il est bien évident que je ne prétend pas que tout le monde est comme cela mais en tout cas j'en fais parti et il est important que vous reteniez bien que je suis le premier à appliquer ce que je dénonce. D'aucuns me diront que si je fais ce que je dénonce je n'ai pas à donner de leçons et c'est partiellement vrai.
Mais il est important de noter que :
- Je ne donne aucune leçon, j'essaye simplement de faire un travail sur moi et m'analyser le plus honnêtement possible.
- Vous ne devez aucunement vous sentir visé par mes propos car, si je parle de façon générale, ce n'est que parce que je pense que notre société nous conduit à cela (et aussi pour moins me sentir seul)
- Enfin, je ne fais pas cela dans le but d'accuser qui que ce soit mais j'avoue que j'aimerais que notre humanité prenne le pas sur notre individualité.
Notre jugement est le fruit de notre égo
Nous avons tendance à juger aisément les autres (au passage sans réellement les comprendre) alors que nos erreurs sont facilement pardonnées sous prétexte de justifications subjectives.
Nous avons un jugement schizophrène qui nous empêche, dans sa globalité, un travail sur nous même honnête et sans préjugés.

Notre égo prend une place importante dans notre jugement car, au final, nous jugeons les autres par sentiment, conscient ou inconscient, de supériorité et nous nous jugeons nous mêmes pour se donner bonne conscience.

Nous jugeons nos actions par l'intermédiaire de notre raisonnement subjectif ce qui nous permet de justifier tous nos actes grâce au phénomène des causes/conséquences. Cependant, nous jugeons les actes des autres dans une optique non pas de raisonnement mais plutôt par un jugement de l'instant immédiat.

Nous avons tous lu des proverbes ou des citations dans lesquels nous voyons des messages spirituels qui incitent à comprendre la méthode de pensée humaine. Nous avons tous des exemples concret pour les mettre en application. Mais soyons honnête... lequel d'entre nous arrive à appliquer ces proverbes à nul autre que nous même? certainement pas moi. Évidemment nous y pensons peut-être (encore que...) mais notre pensée première est destinée à qui? la question, il me semble, mérite réflexion car c'est à mon sens symptomatique d'une société où le problème viens généralement des autres.

Puisqu'on ne peut changer la direction du vent, il faut apprendre à orienter les voiles.
- James Dean

Commencez par changer en vous ce que vous voulez changer autour de vous.
- Gandhi
Encore des poupées russes...
Encore ces poupées russes mais il faut bien admettre que cela reste applicable à différentes échelles.
En effet, même si cela ne marche pas tout le temps bien sûr, et même si les exemples peuvent être éxagérés :
- Je juge ma femme mais j'ai toujours une bonne raison de la délaisser au profit de mes passions
- Je juge mon travail mais j'ai toujours une bonne raison pour ne rien faire pour en changer l'état d'esprit
- Je juge mon pays mais j'ai toujours une bonne raison pour profiter de mes acquis sociaux sans qu'on me demande de comptes
- Je juge les pays qui ne sont pas démocratique mais j'ai toujours une bonne raison pour expliquer pourquoi le mien ne l'est pas non plus
- Je juge les autres religions de fanatiques mais j'ai toujours une bonne raison d'être moi-même fanatique pour imposer la mienne

... La liste serait bien longue encore mais je voulais juste souligner que nous ne prenons jamais la peine de voir les causes quand il s'agit des autres.
La facilité dans l'externalisation
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Tout est de sa faute !
Pour rebondir sur le chapitre précédent, il est bien plus facile pour notre égo de trouver des causes externes à chaque obstacle que nous rencontrons. En effet, c'est toujours de la faute d'un événement que l'on subit que nous n'arrivons jamais à nos fins.

Bien sûr si cela reste vrai pour certaines choses indépendantes de notre volonté, je crois que nous systématisons le processus par facilité, par absence d'autocritique et, bien évidemment, pour ménager notre égo.

Par extension, cette façon de faire nous conditionne à ne jamais être responsable et nous donne la possibilité de se poser en victime pour, à plus long terme, devenir des gens ayant perdu toute volonté d'agir ce qui est en lien avec notre passivité actuelle. S'il est effectivement plus facile de se plaindre que d'agir, il faut cependant mettre cela en perspective avec le fait que le serpent continuera de se mordre la queue et qu'au final, il deviendra de plus en plus difficile d'initier son introspection avec le temps.
Notre jugement est-il impartial et objectif?
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Les 2 parties sont-elles différentes?
Je voudrais aussi apporter une attention toute particulière concernant nos critiques (bonnes ou mauvaises). En effet, il est, selon moi, important de bien comprendre que notre critique et notre jugement n'est en aucune façon impartial. Notre jugement ne se base pas sur une sorte d'objectivité pleine de sagesse mais dans une logique bien définie qui est la notre.
En effet, lorsque nous jugeons un acte, nous utilisons la morale en vigueur comme base de réflexion et nous l'agrémentons de notre expérience personnelle. De fait, il n'y a aucun place pour la réflexion constructive.

Prenons un exemple (évidemment simplifié au maximum car la réalité est toujours plus complexe):
Un voleur s'introduit dans une maison mais le propriétaire le tue pour se défendre.
La morale en vigueur nous pousse à penser que faire justice soit même n'est pas correct et que le droit de vie ou de mort ne nous appartiens pas. Cela reste donc un meurtre.
Voici la base de notre société à laquelle il faut ajouter l'expérience personnelle.
Qui va prendre la défense du propriétaire? Qui va considérer que le meurtre n'est pas une solution?
Je suis persuadé que notre passé déterminera la réponse. Et si votre passé ne vous la donne pas (ce qui est étonnant pour moi), la base établie sera la réponse qui viendra naturellement.

Par extension au sujet précédent (l'expérience / vécu), il n'est pas rare que lorsque vous parlez avec un autre personne, vous lui prêtiez des sous-entendu dans ses mots. Je pense que les sous-entendus que l'on prête à autrui ne sont que le reflet de notre propre pensée ou de notre envie d'infirmer ou confirmer. Si nous écoutons volontiers les gens, nous avons tendance à interpréter ses paroles non pas dans le sens originel, mais un sens biaisé par notre propre interprétation. Une fois l'interprétation acquise, nous lui prêtons une radicalisation de sa pensée afin de pouvoir, dans un cas comme dans l'autre, adhérer ou non à une théorie plus générale bien que largement simplifiée.

Rien ne nous trompe autant que notre jugement.
- Léonard De Vinci
La rétroactivité de nos jugements
Chapitre assez court mais tellement important...
Il est à noter selon moi qu'il n'y a pas vraiment de rétroactivité dans notre critique.
En effet, si nous sommes forcément d'accord que des évènements passés ne peuvent être changés, il en va globalement de même pour notre critique envers autrui. Lorsque nous parlons du passé de quelqu'un pour définir son présent, nous peinons à concevoir que la personne aurait changé.
En revanche, lorsque nous avons critiqué une personne mais qu'il s'avère que le présent nous donne tort, nous arrivons facilement à penser que la personne a changé et que la critique faite à l'époque n'était pas usurpée. S'il est possible que ce soit un comportement humain "normal", je ne peux que m'amuser de notre profonde vanité à toujours vouloir avoir raison.
Conclusion
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Regardons en nous ce que nous voyons chez les autres...
Tout comme les bonnes actions désintéressées n'existent pas, un jugement impartial n'existe pas non plus. Et pour pousser plus loin le raisonnement, je dirais que même un raisonnement supposé logique s'appuie sur une base subjective qui sera généralement une idée ou un message qu'on voudrait faire passer.

Je pense que nous avons perdu notre capacité à l'autocritique dans une société où nous prônons la compétition et des jugements de valeurs constamment. Je pense que si nous pouvions viser non pas l'écoute de notre égo mais l'envie de faire évoluer notre être en nous remettant sans cesse en question, nous ne serions pas en train, actuellement, de débattre de ce qui est bien ou mal. Je pense enfin que pour parvenir à un monde meilleur, nous devrions nous remettre en question plus souvent au lieu de voir des causes extérieures à nos problèmes.
Les jugements de valeurs ne signifient rien si ce n'est que l'on accepte, implicitement ou non, une hiérarchie ou notre ego peut se situer dans une verticalité apparente.

Tout le monde pense à changer le monde, mais personne ne pense à se changer lui-même.
- Léon Tolstoï